La mise sous contrôle de la pandémie signifie-t’elle un retour à la normale ?
A l’heure du déconfinement, les décideurs publics, les chefs d’entreprise, et les médias se penchent désormais sur les conséquences de la crise sanitaire sur l’économie. On multiplie les initiatives pour rassurer les consommateurs, on maintient à bout de bras de petites entreprises au bord de la faillite… Mais malgré l’attention qui lui est accordé, l’impact à long terme de la pandémie reste mystérieux et imprévisible.
C’est peut-être en partie parce que l’on ne prend pas en compte tous les publics qui vont construire le paysage économique post-Covid-19.
L’avenir du monde du travail, par exemple, est aujourd’hui plus que jamais défini par l’expérience collaborateur. Les ressources matérielles dont dispose la population active à l’issue de la crise, mais aussi les aspirations nées de ses nouvelles conditions de travail, et le coup de semonce que représente la pandémie face à de futurs épisodes similaires, sont autant de facteurs appelés à transformer en profondeur l’économie des années 2020.
Les entreprises qui souhaitent se relever rapidement feraient bien d’y prêter attention.
L’expérience collaborateur à l’ère du Covid-19
L’expérience collaborateur est au marketing RH, ce que l’expérience client est au marketing. Trop souvent éclipsée par l’expérience candidat, elle représente pourtant le véritable coeur de métier des experts RH.
L’expérience collaborateur se définit in fine par la satisfaction des collaborateurs quant à leur relation avec leur employeur. Celle-ci dépend de l’ensemble des interactions auxquelles prend part le collaborateur au sein ou en relation avec l’entreprise. Elle se construit au quotidien autant qu’aux moments-clé de son parcours professionnel.
L’expérience collaborateur englobe des aspects aussi divers que le bien-être au travail, la formation, les opportunités de développement professionnel, ou encore la vie de l’entreprise. D’autres éléments plus inattendus, tels que l’image de marque de l’entreprise, influencent également l’expérience collaborateur.
Les collaborateurs ne sont pas que des collaborateurs
On considère généralement que l’expérience collaborateur débute lorsque le nouvel employé signe son contrat, et prend fin lorsqu’il quitte l’entreprise.
On a tort. La relation qu’entretiennent les collaborateurs avec leur entreprise commence bien avant le processus de recrutement, et se poursuit tout au long de leurs vies professionnelles - parfois bien après qu’ils aient quitté l’entreprise. C’est la raison pour laquelle les experts de la relation collaborateur visent à créer des “employés boomerang”, qui reviennent dans l’entreprise après avoir gagné de nouvelles expériences ailleurs.
L’expérience candidat, évidemment, prépare et détermine en partie l’expérience collaborateur. Elle crée l’occasion d’un apprentissage des codes de l’entreprise, d’une part ; et d’une première évaluation du potentiel du futur employé, d’autre part. Ce temps de construction de la relation collaborateur s’avérera par la suite crucial pour la réussite du programme de management des talents.
Mais le premier contact entre l’entreprise et ses futurs collaborateurs remonte plus loin, jusqu’à la relation client. Une étude de la Harvard Business Review a récemment confirmé ce que les recruteurs de candidats passifs savaient déjà : l’expérience client a un impact non négligeable sur la marque employeur des entreprises. A l’heure du social recruiting et des sites carrière, les performances économique et RH des entreprises sont inextricablement liées aux compétences de leurs experts en marketing.
Appréhender l’amélioration de l’expérience collaborateur avec efficacité
Face à une telle pression, toute politique d’amélioration de l’expérience collaborateur ne peut que sembler écrasante, voire un peu futile. Comment peut-on avoir un impact effectif sur une notion aussi protéiforme ?
D’autant plus que dans les faits, l’expérience collaborateur ne se joue pas au niveau du Comité de Direction. Tout comme pour l’expérience candidat, une expérience collaborateur réussie passe par la personnalisation des interactions avec chaque employé.
Il est pourtant possible de mettre en place des mesures concrètes pour améliorer l’expérience collaborateur. Pour ce faire, les experts RH doivent :
- Garder en tête leurs objectifs : augmenter le taux de rétention des talents, favoriser le bien-être au travail, et booster la performance globale de l’entreprise en se concentrant sur sa performance RH ;
- Et mettre en place des actions ciblées, à chaque étape-clé de l’expérience collaborateur.
Réimaginer l’expérience collaborateur en 4 étapes
Cette section pourrait tout aussi bien s’intituler : “comment vaincre la procrastination - la force d’inertie qui poussent de nombreux décideurs à reporter l’adoption de politiques pourtant stratégique ?”
De trop nombreuses entreprises n’ont toujours pas de programme d’amélioration de l’expérience collaborateur. On l’a dit : la mission semble trop vaste pour pouvoir être menée efficacement. La solution consiste donc à réduire le champ d’action de chaque mesure, en se concentrant sur les quatre principales étapes de l’expérience collaborateur.
1. L’expérience client - ou l’expérience candidat passif
A l’heure du e-recrutement, quasiment plus aucun candidat ne postule sans avoir préalablement exploré le site carrières de l’entreprise, ses comptes sur les réseaux sociaux, et son profil sur Glassdoor. Mais il existe une catégorie de candidats qui s’en passent : ceux qui ont eu une expérience client négative avec la marque.
Sondage après sondage, les candidats déclarent renoncer à postuler auprès d’une entreprise pâtissant d’une mauvaise image de marque - que celle-ci soit due à des témoignages négatifs de la part des collaborateurs, à des pratiques professionnelles manquant d’éthique, ou à de mauvaises expériences client.
A l’inverse, une image de marque attractive mâche le travail des experts en marketing RH.
2. L’expérience candidat, genèse de l’expérience collaborateur
L’expérience candidat - qui débute elle-même longtemps avant la candidature en tant que telle - préfigure la relation collaborateur.
On ne présente plus les grands principes d’une expérience candidat réussie : personnalisation de la relation candidat, authenticité des échanges, opportunités de découvrir les métiers et la culture de l’entreprise, feedback auprès des candidats écartés… Autant de mesures indispensables, qui posent les bases d’une relation collaborateur saine.
Mais il est possible de donner un coup de boost supplémentaire à la (future) expérience collaborateur : il suffit de favoriser le recrutement collaboratif par tous les moyens.
- Les candidats déclarent régulièrement faire davantage confiance aux témoignages des collaborateurs qu’au marketing RH. Les recruteurs ont donc tout intérêt à laisser la parole à leurs collègues - lors de conférences métier, de forums de recrutement, sur des films d’entreprise, et bien sûr à l’occasion des entretiens d’embauche
- Par ailleurs, un recrutement collaboratif bien organisé améliore l’expérience des collaborateurs existants. En plus de valoriser leurs expertises métier et leurs compétences de mentor, le recrutement collaboratif est une occasion d’explorer et de renforcer la culture de l’entreprise et les relations entre collègues.
Dans un contexte de travail à distance et d’incertitude, le recrutement collaboratif représente ainsi une occasion de renforcer l’esprit d’équipe que l’entreprise ne peut pas se permettre de négliger.
3. L’onboarding, ou le lancement officiel de l’expérience collaborateur
L’onboarding, ou la période d’intégration des nouveaux salariés, marque indéniablement la transition entre l’expérience candidat et l’expérience collaborateur.
Il ne s’agit pas tant d’un changement concret - les ATS (Applicant Tracking System) de pointe réutilisent les données collectées pendant le processus de recrutement pour proposer un programme de développement des talents. C’est surtout une étape psychologique pour la nouvelle recrue. Ses attentes envers les équipes RH se précisent à mesure qu’elle se projette dans son nouveau poste. En tant que collaboratrice, elle s’attend désormais à se voir donner des objectifs de progression professionnelle mesurables. Elle a également besoin d’être accompagnée dans sa prise de poste, et dans sa découverte de l’entreprise.
Pour toutes ces raisons, l’onboarding ne saurait se limiter au “premier jour au bureau”. Même en temps normal, il se conçoit comme un processus qui s’étend sur plusieurs années après la prise de poste.
Et dans l’ère post-coronavirus, l’intégration des nouveaux collaborateurs dépend largement des mesures prises pour maintenir la vie de l’entreprise à distance.
4. Renforcer la proximité entre collègues, à distance
Pendant près de deux décennies, malgré la généralisation de l’utilisation d’ordinateurs dans les foyers, le télétravail est resté un sujet annexe dans les entreprises. Convoité par certains employés, il était généralement considéré avec méfiance par les employeurs. On note que cette frilosité reflétait surtout un manque de confiance envers les équipes, une réaction qui en dit long sur le chemin à parcourir vers une relation collaborateur épanouie.
Le confinement a bien entendu bouleversé ces réserves. En quelques semaines, la majorité des entreprises de service se sont retrouvées embarquées dans une expérimentation du télétravail abrupte et inédite. Ses résultats seront peut-être la conséquence la plus durable - ou en tout cas, la plus visible - de la pandémie sur le monde du travail. Les chiffres tombent au fur et à mesure que le confinement s’éloigne ; mais dans l’ensemble, l’expérience semble avoir été un succès. Elle a indéniablement permis de limiter les pertes de productivité par rapport à une fermeture pure et simple de l’entreprise.
En revanche, certains employés reviennent de leur idéalisation initiale du télétravail. Au-delà des contraintes personnelles (enfants à la maison, logement peu adapté) qui sont venus nuire à sa qualité, nombre d’entre eux déplorent la perte de lien social entre collègues. Pour assurer une expérience collaborateur satisfaisante même à distance, les entreprises vont devoir réinventer leurs cultures. Un travail de fond sur la confiance entre managers et équipiers, et l’invention de nouveaux rituels sociaux seront indispensables aux entreprises pour faire preuve d’agilité face à de futures crises.